[ DECOUVERTE ] SUR LES TRACES D'EL HADJ OUMAR AL FOUTIYOU TALL : IMPRESSIONS DE SEGOU, Les canons du commandant et la Wazifa de l'Almamy




L’imposant camp militaire de l’ancienne cité des Toucouleurs porte le nom d’Ahmadou Cheikhou. Mais, voici que, subitement, la soif de vestiges est bousculée par une amère première impression : l’ancien bastion de la Tijaniyya n’en porte plus les marques visibles. Tiens ! Au restaurant du coin, un jeune, la vingtaine révolue, égrenait nonchalamment un chapelet à cinq branches. Si seulement cela pouvait réconforter…



Ségou ! Nom ô combien évocateur, lourd d’histoire, d’épopées dont il ne reste plus grand-chose…de matériel.

Seule la spiritualité a cette capacité de s’éterniser par des moyens la plupart du temps, insaisissables. La toute nouvelle mosquée construite sur fonds libyens, flanquée, sans une ride historique, à la sortie de la vieille ville, sur la route de Hamdallaye, n’avait pas le charme de la zawiya des Tall à quelques pas du fleuve Niger bien que bombardée par les canons d’Archinard. Quel nom exotique si, seulement, l’on admettait que l’exotisme ne peut être à sens unique ! Pourtant sa statue, brouillant le décor tropical, avec ses couleurs non assorties au paysage et à l’ambiance indescriptible de Ségou, trône arrogamment au bord du grand fleuve, Djoliba, comme l’appellent ici les autochtones, au grand dam, peut-être, des explorateurs dont le souvenir est, à jamais, enseveli sous le limon.


Les murs de la cité furent, certes, conquis depuis 1890, les corps et parfois les mentalités traumatisées peut-être rendues dociles puis dominées. Mais les cœurs étaient bien insoumis ! Dans l’aube calme de la cité mythique et mystique des Toucouleurs, montait l’appel du muezzin cinq fois par jours comme pour rappeler ce qui ne fut et ne sera jamais oublié.

A la question d’un demandeur de route perdu dans sa quête de traces, de savoir s’il y avait une Zawiya Tijaniyya dans la cité, un badaud, surpris par une telle ignorance, asséna la réponse qui rassure la logique historique ainsi rétablie : toutes les mosquées ici sont des Zawâyâ d’al-Tijânî…

Rendez-vous était donc pris pour la prière du matin ! Après la prière dirigée par un descendant d’Al-Foutiyyou, le drap blanc, sorti d’un sac de tissu blanc, jalousement gardé à travers les années qui l’ont jauni sans le souiller, se déroula pour décorer le sol de la mosquée snobant ses lumières électriques et prête à accueillir les illuminations célestes : Fatiha, Istighfâr… puis la Salâtul Fâtihi dont l’air, bien que nouveau, n’en changea point le goût.

Elle retentissait la Yâqutat al-Farîdah (autre appellation de la salât al-Fâtih), agrémentant les oreilles en illuminant les cœurs des disant comme des entendant, déchirant le calme matinal. Extraordinaire ? Non ! C’était plutôt quotidien à Ségou ! Les canons d’Archinard, eux, s’étaient tus depuis belle lurette. C’est bien pour cela qu’il lui fallait ériger une statuette pour ne pas être rangé aux oubliettes.

Les chapelets, toujours au même rythme et inlassable cadence, s’égrènent imperturbables comme les invocations des descendants des Toucouleurs, mêlés aux Bozo, dogons et autres Bambaras, suivaient leur cours ; tel le Niger se pavanait dans la savane, traversant les âges et nourrissant les mémoires.

un descendant des braves Dogons veille encore sur le lieu de la disparition de l'Almamy, sur la falaise de Déguimbéré
Ici, point de pleurs nostalgiques et encore moins pathétiques pour le trésor de Ségou dormant tristement dans un coin glacial de bibliothèque ou de musée parisien. La spoliation d’un héritage n’a d’égal que la témérité du recel de la mémoire de toute une glorieuse époque devant le tribunal de l’Histoire. Mais à Ségou, la mémoire s’enrichit, indéfiniment, du passé présent dans les cœurs comme dans les esprits acquis, à jamais, à la cause d’El Hadji Omar. Face aux tentatives de falsification de l’histoire, cette dernière nous a toujours enseigné la nécessité d’un bon usage du doute.

Décidément, cet héritage immatériel mais vivant était plus résistant au temps que les statues et les prouesses d’un jour, exagérément gravées sur la pierre, cherchant, trop fièrement, l’éternité, mais se sachant condamnée à l’érosion. C’est peut-être La leçon de Ségou aux passants et aux habitants qui en gardent la mémoire. A Ségou, le conquérant est venu, n’a même pas eu le temps de voir et l’humilité d’apprendre bien qu’ayant vécu pour un moment désormais révolu. Mais le nom, le souvenir et surtout l’oeuvre des Almamy, d’Al-Foutiyyou comme d’Ahmadou Cheikhou lui ont bien survécu. N’était-ce pas cela l’essentiel ?

QUELQUES PHOTOS DE BANDIAGARA ET DE DEGUIMBERE

Sur la route entre Doucombo (près de Bandiagara) et Déguimbéré

En bas de la falaise de Déguiméré (à 14 Km de Bandiagara)

Entrée de l'endroit d'où disparut Cheikh Omar al-Foutiyyu, fortifié pour la mémoire !!

Intérieur de la grotte, les fidèles viennent de partout pour admirer et se recueillir sur ce lieu….

Vue de la falaise de Déguimbéré, de l'intérieur….

Palais Aguibou Tall, descendant de l'Almamy et dernier Roi de Bandiagara

Je ne pouvais que remercier le gardien des lieux et de la mémoire, mon ami Dogon qui m'expliqua longuemnt, pendant que j'adimirais l'intérieur de cette grotte, comment ses ancêtres ont apporté leur soutien à Al-Foutiyyou….et il perpétue ce lien!




Bakary SAMBE, Sur la route de Hamdallaye, le 12 août 2009
Vendredi 31 Janvier 2014