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No. 2 [EN ROUTE VERS TREVISO] LES FONDEMENTS ISLAMIQUES DU SOUFISME - Le Soufisme comme remede a la fracture islamique : l’exemple du sénégal




L’objectif de cette série d’articles sur la Tijanya, à la veille du Gamou annuel de Treviso, qui aura lieu le 31 Mars et 1er Avril 2018, est à la fois ambitieux et complexe. Mais la perspective dans laquelle on l’aborde, peut en être assez aisément située. En effet dans un monde déshumanisé, les valeurs simples et humaines, de justice, de générosité, de solidarité, de tolérance et pour tout dire, d’humanité, ont besoin d’être revisitées. Ces valeurs, les constitutions républicaines et les textes fondateurs des grandes institutions n’en ont pas le monopole, parce qu’elles ne sont rien d’autre que les pièces essentielles du vieux dispositif monothéiste de résistance à la barbarie.



I. Le soufisme comme reméde a la fracture sociale : l’exemple du sénegal

No. 2 [EN ROUTE VERS TREVISO] LES FONDEMENTS ISLAMIQUES DU SOUFISME  -  Le Soufisme comme remede a la fracture islamique : l’exemple du sénégal


         Ce sont bien les trompettes de Jéricho et l’appel à la paix durable de Moïse qui soufflent depuis la Torah sur le Talmud et le Nouveau Testament. On retrouve la même tonalité dans le Coran, dont l’humanisme détruit les murailles de la haine. Esprit de l’humanité de l’homme toujours, qui inspire les livres sacrés de la Chine et de l’Inde, qui guide les muses des poètes de la mythologie grecque et de la sagesse des anciens comme Koth Barma et l’incandescence spirituelle d’El Hadji Oumar Foutiyou TALL, d’El Hadji Malick SY et de Serigne Touba qui, aujourd’hui, taraude nos esprits désorientés.
        
         Oui, des trompettes qui appellent au courage. Courage contre ses propres pulsions mortifères car la vraie victoire, dans et hors la guerre, dépend toujours d’une victoire préalable, plus grande, plus belle, spirituelle et personnelle « Jehad unnafs », pierre angulaire de la philosophie soufie.
 
Il convient de répondre, avec sérénité, à des questions aggravées par les polémiques, les confusions, les amalgames, les passions et les peurs, les violences nourries par le cycle infernal des agressions et des ripostes depuis le 11 septembre 2001.
 
Le Professeur Mohammed Arkoun, qui a introduit le concept des « forces interactives du triangle anthropologique » (les puissances occidentales, les régimes autoritaires des pays musulmans et les mouvements intégristes) souligne : « Il ne suffit pas en effet de s’indigner contre une violence intolérable dans un monde où s’amplifient les problèmes de l’exclusion, de la domination arbitraire, de la misère collective, de l’économie prédatrice, des inégalités scandaleuses, des ignorances institutionnalisées, des déculturations, des dépossessions des citoyens et des peuples, des Etats voyous, des menaces écologiques, etc. Il faudrait beaucoup de recherches, de travaux librement conduits, d’explorations négligées ou sciemment différées pour dépasser la tyrannie des émotions, l’emprise des médias, les non-dits du politiquement correct à propos du fait terroriste comme protagoniste à d’autres facteurs puissants qui installent une violence systémique dans le monde ».
 
Devant un tel contexte, le monde est à la recherche d’un remède.
D’où l’importance de montrer le rôle des confréries au delà de la religion dans l’avènement du vivre ensemble et de la tolérance.



 
                           I.     Le fait religieux au XXIsiècle
 
Il ne faut pas être clerc pour observer que le fait religieux,  considéré comme archaïque, il y a quelques années encore, fait aujourd’hui et partout, un retour en force. Pour le bonheur et pour le pire. Pour certains, c'est à ce retour de la passion religieuse qu’il faut imputer la flambée de violences qui ravagent la planète, notamment au Moyen Orient, berceau des grands monothéismes. « Extirpez le religieux et vous aurez fini avec la violence ». Pour d’autres au contraire, ce n’est pas la religion, en tant que telle, mais justement son retrait et sa perversion qui la rendrait inapte à faire entendre son message qui est d’abord un message de paix et d’amour. D’autres encore feront remarquer, qu’en tout état de cause, cette discussion est stérile, car il n’y a pas de sociétés ou de cultures, même les plus laïques en apparence, qui soient effectivement et totalement non religieuses.
 
La découverte centrale de toutes les grandes sociologies classiques, est celle du « Rôle décisif de la religion », pour reprendre la formule de Durkheim. Sur quoi repose, au bout du compte, la « fabrique » du lien de société ? Là où les économistes répondent en invoquant la nécessaire satisfaction de besoin, Saint Simon, Tocqueville, Weber, Durkheim, et même Marx, paradoxalement tous les fondateurs de la tradition sociologique, en sont venus à la conclusion que le ciment premier et ultime des sociétés est à rechercher dans la croyance religieuse.
 
La question des religions, oui, mais également d’une manière plus particulière la question de l’Islam et en son sein celle du soufisme une forme de spiritualité propre  à l’Islam, l’objet de cette série d’articles.
 
Le Professeur Mohammed ARKOUN, dans ABC de l’Islam, (page 176) définit le Soufisme comme suit :
 
« Il s’agit à la fois d’un courant de pensée, d’une expérience spirituelle initiatique, d’un rapport spécifique à la parole de Dieu et à la figure spirituelle de Mohamed, d’une écriture appropriée à la description des cheminements intérieurs de chaque aspirant, disciple qui vise à devenir un maître spirituel autonome après de lents cheminements et une rude ascèse. L’ultime étape est la fusion du je humain et du Je divin pour certains, la jonction avec Dieu dans l’essentiel Désir (‘Ishq) nourrie durant l’étape successive de la marche ininterrompue, vers la fusion dans l’amour ».
 
Dans cette perspective, le Sénégal est le lieu de l’invention, toute paradoxale, d’une nouvelle démarche sociale empruntant au référentiel du soufisme un répertoire inédit d’actions collectives. Je me propose de montrer comment le soufisme, en tant que révolution spirituelle et démocratique, peut constituer un antidote à la situation actuelle d’un monde marqué par une violence aveugle, et ouvrir de nouvelles perspectives à la sécurité partagée. Le Sénégal, pays de tolérance et de démocratie, peut servir de laboratoire dans ce domaine pour des raisons historiques, d’une part, et à cause des mutations inattendues que les confréries sont entrain de subir pour s’adapter à la globalisation, d’autre part. En effet, se dessine la tendance générale d’un Islam sécularisé dans tous les domaines de la société y compris le politique qui transforme profondément le système confrérique sénégalais actuel. Nous allons montrer comment ses différentes facettes (enjeu théologique, réservoir symbolique et ressource politique) font du soufisme un lien ambivalent d’une identité musulmane en quête de repères et un élément déterminant dans l’établissement de sociétés démocratiques comme le Sénégal.
Et comment la diaspora, grâce à son éduction religieuse de base empreinte de spiritualité peut contribuer à projeter une image de l’Islam plus conforme à la réalité de son message.
 
                        II.     La naissance de la Mystique musulmane et les étapes de sa diffusion
 
La mystique musulmane est née dans le cadre des enseignements de l’Islam qui soumet l’être humain à une série très diversifiée de disciplines spirituelles pour maîtriser l’âme et percer le voile qui cache la réalité aux sens, purifier le cœur et le nettoyer des vilénies  du plaisir, et couper les liens matériels qui constituent un obstacle à la relation de l’homme avec son Seigneur ; aux exigences de son âme, de la société et de ses frères ; en vue d’une contemplation de l’Univers et d’une méditation sur son Créateur.
 
Ainsi, le Soufisme est à la fois une pensée, une action, une contemplation et un comportement. Et la vie du Prophète, faite de culte, de renoncement et de comportement reposant sur l’effort et l’exercice spirituel, en est une parfaite illustration : « Il a commencé son attirance vers Dieu depuis sa tendre enfance, a emprunté la voie vers Dieu par la contemplation et la méditation, par la solitude et l’isolement, dans ses dires et ses gestes ».
 
]فلقد بدأ رحلته إلى الله منذ نعومة أظفاره ، يختطّ الطّريق إليه نظرا وتفكُّرا ، وعزلةً وتحنُّــثًا ، ورياضة ومجاهدة قولا وفعلاً [ .
 
« Jusqu’à ce qu’il purifie son âme, et affine ses sens, polisse le miroir de son cœur, ce qui le prépare à avoir des visions véridiques, par l’incandescence de la profondeur de son âme pour atteindre la vérité, le bien et la certitude».
 
]حتى صفّت نفسه ورقَّ حُسنه ، وصقَّلت مرآة قلبه وتهيأ له أن يرى الرُّؤيا الصَّادقة ، وإذا بأنوار  الحقيقة تشرق في أعماق نفسه بالحقِّ والخير واليقين[.
 
A tel point qu’avant la révélation, il passait des jours et des nuits, isolé, éloigné, du monde, dans la grotte de Hira.
 
La vie des compagnons a suivi les pas du Prophète ; une vie remplie de faits et gestes qui indiquent, d’une manière éloquente, leur renoncement, désireux qu’ils étaient de se présenter devant Dieu avec un cœur purifié prêts à lutter pour le triomphe de la vérité divine avec toute la force de la foi et la chaleur de la conviction. Jamal Saad Mahmud Jamah, Professeur de théologie à Azhar, écrit dans le : Jardin du soufisme islamique :« Le soufisme islamique repose sur une foi sincère qui se trouve en l’homme depuis que Dieu l’a créé, lui a insufflé une partie de son âme et y a déposé le secret divin qui conduit à la connaissance (la gnose) qui est l’expression d’une religion qui se décline à travers des opérations de purification (Tazkya), de détachement, d’ornement, pour emprunter les voies sûres qui mènent au contact direct avec notre Seigneur. Ainsi donc, le soufisme n’est que le résultat de la méditation intérieure et de l’approfondissement des textes du Coran et de la noble tradition du Prophète (PSL).
 
]فالتصوف الإسلامي قام على أساس من العقيدة الصّحيحة الّتي وجدت مع الانسان منذ أن سواه الله ونفخ فيه من روحه ووضع فيه السّر الإلهي الّذي ينتهي إلى المعرفة إذا ارتكز على أساس صحيح من الدّين ثم جاهد في طريق التّصفية والتّزكية والتّخلية والتّحلية واتّخذ الوسائل الصّحيحة الّتي تؤدِّي إلى الاتصال بالملإ الأعلى ومن هنا فالتّصوف لم يكن إلاّ نتيجة لتأمُّل الباطني وللتّعمق في نصوص القرآن الكريم والسّنة النّبوية الشّريفة [.
 
Le soufisme islamique, en tant que conduite et action, réalisation totale d’une expérience religieuse, existe depuis le début de l’Islam sous l’impulsion du Prophète (PSL), et a continué avec les compagnons et leurs continuateurs. Ceci évoque donc la conformité du soufisme avec les sources scripturaires de l’Islam.»
 
A.   L’importance du soufisme
 
Les obligations canoniques, imposées à l’homme, dans l’Islam, sont de deux sortes : des actes cultuels apparents et d’autres cachés ou en d’autres termes des activités liées au corps de l’homme, d’autres à son cœur.
 
  • Les activités liées au corps de l’homme sont : injonction et interdiction.
 
-       Injonction = prière, zakat, pèlerinage. Les interdits, comme le crime, l’adultère, le vol, les boissons alcooliques.
 
  • Les activités liées au cœur de l’homme sont également injonction et interdiction.
 
-       Injonction = la croyance en Dieu, aux anges, aux livres sacrés et aux prophètes…Et comme le dévouement, le contentement de Dieu, la sincérité, la crainte de Dieu – Les interdits comme l’impiété, l’imposture, la haine, la jalousie.
 
Cheikh Abdou Qadir Issa considère que : « cette deuxième partie, liée au cœur, est plus importante que la première, pour le législateur – même si tout est important – parce que ce qui est caché commande ce qui est apparent. Si l’intérieur est corrompu, la valeur de l’action extérieure est souillée. A ce propos, le Coran dit : « Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun autre que son Seigneur ». Caverne 110
 
وهذا القسم الثاني المتعلق بالقلب أهم من القسم الأول عند الشارع – وإن كان الكل مهما – لأن الباطن أساس الظاهر ومصدره ، وأعماله مبدأ أعمال الظاهر ففي فساده إخلال بقيمة أعمال الطاهرة وفي ذلك قال الله تعالى : ] فمن كان يرجوا لقاء ربه فليعمل عملا صالحا ولا يشرك بعبادة ربه أحدا [ .
 
 
C’est pourquoi, le Prophète, se préoccupait, de purifier le cœur et enseignait à ses compagnons, que la rectitude de l’Etre humain dépend de la pureté de son cœur, guéri des maladies cachées et flétrissures internes et il dit : « Il y a dans le corps de l’homme, un membre, qui lorsqu’il est en bon état, tout le corps est en bon état, s’il est corrompu, tout le corps est corrompu : c’est le cœur ».
        
                   ] ألا وإنَّ في الجسد مضغة إذا صَلحَتْ صلُح الجسد كلّه وإذا فسدت فسد الجسد كلُّه أَلاَ وهي القلْب [
                 
Le Prophète leur a appris que le seul endroit qu’Allah regardait, c’est le cœur.
 
] إنَّ الله لا ينظر إلى أجسادكم ولا إلى صُوَرِكُم ولكن ينظر إلى قُلوبكم[
 
« Dieu ne regarde ni votre corps, ni votre image, mais, il regarde votre cœur ». Etant donné que la rectitude de l’Etre humain est liée à la pureté de son cœur et c’est la source de son activité apparente, il se doit d’œuvrer à le purifier en le débarrassant des éléments blâmables rejetés par l’Islam et y implanter les éléments louables ordonnés par Allah. De cette manière, le cœur sera sain et pur et celui qui le porte sera parmi ceux qui ont réussi.
 
Le soufisme s’est spécialisé à traiter les maladies du cœur, à le purifier et à le débarrasser des éléments négatifs. Il ne se réduit pas uniquement, comme le croient certains, à la récitation de Wird ou à des séances du Zikr. Mais, le soufisme est une méthode pratique, intégrale, qui fait passer l’être humain d’une personnalité déviante à une personnalité musulmane modèle, grâce à une foi sincère, un culte pur et des relations sociales marquées par le Bien et une éthique supérieure.
 
C’est dire l’importance du soufisme, son utilité, en ce qu’il traduit l’esprit de l’Islam et mûrit le cœur. Parce que cette religion n’est pas uniquement pratiques apparentes et formelles, sans âmes, ni vie ; les musulmans n’ont connu le déclin et la faiblesse actuels, que lorsqu’ils ont perdu l’âme de l’Islam et sa substance pour ne garder que son ombre et les apparences trompeuses.
 
Et Cheikh Abdou Qadir de constater : « C’est pourquoi toute leur vie, les savants et les guides, jalousement attachés à la pureté de l’Islam, ont conseillé les musulmans, d’avoir comme compagnon les soufis et d’écouter leur conseil. Ainsi, ils pourront combiner l’esprit et le corps de l’Islam et goûter à la signification de la pureté du cœur et de l’Elévation morale, pour réaliser par la gnose et la connaissance certaine de l’essence divine, s’armer de son amour, de son compagnonnage et sa remémoration constante ».
 
] لهذا نرى العلماء العاملين والمرشدين الغَيورين ، ينصحُون الناس بالدخول مع الصدقِيَّةِ والْتِزام صحبتهم ، كي يجمعوا بين جسد الإسلام وروحه ، وليتذوَّقوا معاني الصفاء القلبي والسُّمُوِّ  الخُلُقِي ، ولِيتحقَّقُوا بالتَّعرُّف على المعرفة اليقينِيَّة ، فيتحلُّوا بحبِّه ومُراقبته ودوامِ ذكرهِ [
 
 
Au delà des difficultés liées à son étymologie, et sa définition, le soufisme se caractérise, sans conteste, comme refus de la violence et de la soumission à l’injustice du pouvoir, acceptation du compromis religieux, développement de la pureté morale à travers le rituel du zikr, l’invocation de Dieu, l’examen de conscience, l’ascétisme, l’humilité. Pour parvenir à ces résultats, l’ascète soufi a un parcours rectiligne qui prend la forme d’un pacte entre lui et le cheikh. Ce dernier est,  généralement, le maître spirituel responsable d’un ordre soufi. C’est avec l’aide du cheikh que l’élève soufi recherchera l’amour de l’âme avec Dieu. Ce rôle du Cheikh sera examiné avec plus de détails plus tard, mais  concentrons-nous pour l’instant sur les origines du soufisme.    
            
B.   Les sources du soufisme
 
Les sources du soufisme sont l’une des questions les plus délicates de la pensée islamique. Je ne crois pas qu’il y ait une doctrine qui ait soulevé autant de controverses. Ainsi, depuis son avènement, le soufisme a été objet de toutes les polémiques.
 
Il serait très long d’entrer dans les détails de cette controverse mais il convient de relever le point de vue de Éric Georffroy qui dans son livre : Initiation au Soufisme, il écrit en citant Louis Massignon : « Certains orientalistes ont trop hâtivement déduit que le soufisme était d’origine étrangère non islamique. Comment une spiritualité aussi universaliste pouvait-elle émaner de la « religion de Mohamed » ? se demandaient-ils. Les orientalistes rivalisèrent pour trouver, qui une source chrétienne, qui une source hindoue, qui une source hellénistique, à la mystique musulmane. Louis Massignon, dans une étude déjà ancienne qui reste une référence, a réfuté une à une ces allégations mettant en évidence le caractère foncièrement coranique du soufisme en affirmant que : « C’est du Coran constamment récité, médité, pratiqué que procède le mysticisme islamique, dans son origine et son développement ». Dans sa célèbre thèse, « la Passion de Hallaj», il reconnaît qu’il y a dans le Coran les germes réels d’une mystique, susceptibles d’un développement autonome sans fécondation étrangère. » Et Geoffroy de poursuivre : « Par la suite, les islamologues ont exploré un grand nombre de textes inédits de la littérature soufie et approfondi leur connaissance de l’œuvre des maîtres : les travaux confirmèrent les intuitions de Massignon et établirent, d’une manière ou d’une autre que le soufisme est un des axes de l’Islam ».
 
a.   Les sources islamiques du soufisme
 
Loin de toute influence étrangère, le soufisme islamique comme le souligne Louis Massignon, est le produit du Coran, de la tradition prophétique et de la vie des compagnons. Les musulmans se sont mis à lire le Coran, à méditer, et à réfléchir sur son sens qui a illuminé les parties obscures de leurs âmes, purifié leur cœur qui a subi une transformation formidable. Le Coran les fit aimer le culte, les pratiques surérogatoires, l’invocation (Zikr) qu’il a mis, de même que ceux qui s’y adonnent, à un niveau très élevé et indépassable. En effet, Allah dans Sa Sagesse infinie déclare : « Qui, debout, assis, couché sur leurs côtés, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre disait, Notre Seigneur tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi. Garde nous des châtiments du feu». 
 
] الَّذِينِ يَذْكُرُونَ اللهَ قِيَامًا وَقُعُودًا وَعَلَى جُنُوبِهِمْ وَيَتَفَكَّرُونَ فِي خَلْقِ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ رَبَّنَا مَا خَلَقْتَ هَذَا بَاطِلاً سُبْحَانَكَ فَقِنَّا عَذَابَ النَّارِ [
 
Il dit ailleurs : «Ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, devant sa face et que ses yeux ne se détachent point d’eux, en cherchant le faux brillant de la vie sur terre. Et n’obéit pas à celui dont nous avons rendu le cœur inattentif à notre appel qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier».
 
] وَاصْبِرْ نَفْسَكَ مَعَ الَّذِينَ يَدْعُونَ رَبَّهُمْ بِالْغَدَاةِ وَالْعَشِيِّ يُرِيدُونَ وَجْهَهُ[
 
Et le Coran continue toujours : « Supporte patiemment ceux qu’ils disent et célèbrent sa louange avant le lever du soleil, avant son coucher et pendant la nuit et exaltent sa gloire aux extrémités du jour. Peut-être auras-tu satisfaction ?»
 
] فَاصْبِرْ عَلَى مَا يَقُولُونَ وَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ قَبْلَ الطُّلُوعِ الشَّمْسِ وَقَبْلَ غُرُوبِهَا وَمِنْ آنَاءِ اللَّيْلِ وَأَطْرَافِ النَّهَارِ لَعَلَّكَ تَرْضَى [ .
 
Pour ajouter : « Les vrais croyants sont ceux dont les cœurs frémissent quand on mentionne Allah et quand ses versets leurs sont récités. Cela fait augmenter leur foi et ils placent leur confiance en leur Seigneur ».
 
] إِنَّمَا الْمُؤْمِنُونَ الَّذِينَ إِذَا ذُكِرَ اللهُ وَجِلَتْ قُلُوبُهُمْ وَإِذَا تُلِيَتْ عَلَيْهِمْ آيَاتُهُ زَادَتْهُمْ إِيمَانًا وَعَلَى رَبِّهِمْ يَتَوَكَّلُونَ [ .
 
 Quiconque se penche sur ces versets se rend compte que Dieu a ouvert aux ascètes la voie du Zikr, de la méditation et des pratiques cultuelles. Le Coran a décrit les valeurs et les idéaux par lesquels la personnalité de l’homme demeure parfaite et prend le dessus sur la matière. Les ascètes trouveront dans tout cela leurs nourritures spirituelles et la plénitude de leur bonheur. Abu Wafa Taftazani affirme dans Une introduction à la mystique musulmane que : « Les premiers bourgeons de la mystique musulmane que représente la science de l’éthique et du comportement se trouvent dans le Coran ».
 
Nous n’avons pas la possibilité dans le cas de cet article de suivre l’histoire du Soufisme dans ses différentes étapes sans rentrer dans les détails chronologiques des évènements et des personnages en jeu. Il convient de distinguer dans l’histoire du mouvement soufi les quatre (04) étapes suivantes :
 
1.    La naissance du soufisme (1er et 2ème siècles de l’Hégire)
2.    L’étape de maturité (3ème et 4ème siècles)
3.    Le soufisme sunnite (au 5ème siècle)
4.    Le soufisme spéculatif (aux 6e et 7e siècles)
 
Mais nous allons faire état de son évolution la plus concrète : les confréries.
 
  1. Les confréries
 
 Le mot « confrérie », s’applique chez les soufis, à un groupe d’individus, qui se réfèrent à un Cheikh particulier, se soumettent à une discipline précise, dans leur itinéraire spirituelle, mènent une vie communautaire autour de leur Zawiya, tiennent des réunions périodiques à des occasions précises, et  participent à des séances d’invocation ou des cours d’éducation, régulièrement. « En fait, loin des débats spéculatifs, ce que recherchent les confréries, en premier, c’est un objectif moral, l’oubli de soi, le respect de la parole donnée, le travail, la patience, l’amour d’autrui ». La confrérie offre au disciple une discipline spirituelle (Mujahada), un effort orienté vers la vie mystique pour jeter les bases d’un itinéraire, ses règles, la relation entre le Maître et le disciple, la retraite et la solitude, la faim et l’abstinence, le silence et l’invocation.
 
« Le corps, l’âme, les facultés de l’esprit sont simultanément engagés dans l’expérience. L’examen de la conscience est requis à tout moment pour surveiller scrupuleusement les dérapages, les manquements, les fautes spirituelles dans les rapports tendus de l’humble créature, habitée par l’essentiel Désir d’amour et un Dieu bienveillant qui guide sa transcendance. Toutes ces règles, ces exigences, ces craintes, ces tremblements, ces élans irrépressibles, vers le bonheur suprême (al-fawz al-akbar) où confluent pour certains la quête philosophique du bonheur et l’itinéraire mystique de l’union. (ittihah, ittisal)
 
Ainsi, le soufisme Sunnite est entré dans une phase pratique maintenue à ce jour, et n’a rien n’à envier aux périodes précédentes parce que le soufisme s’est mué en philosophie de la vie pour une grande partie de la Ummah Islamique ; Il a ses systèmes, ses règles et ses procédures particulières. Alors que le soufisme était, jusque-là, portée par des théoriciens qui  apparaissaient de manière sporadique, sans liens entre eux, les confréries sont très nombreuses et très répandues. Le premier de ces ordres est la Qadriya, créé par Muhyi Al Dim ‘ Abd Al Qadir B. Al Jîlâni. Né en Perse en 471/1078 et mort à Bagdad en 561. Son ouvrage le plus célèbre, Al Ghunya fi talibi tariq Al Haqq, son enseignement, s’inspire étroitement du Coran. Les traditions et les exercices religieux qui y sont recommandés sont remarquables. Cet ordre, dont le siège fut pendant plusieurs siècles à Bagdad,  a recruté dans de nombreuses pays et régions de l’Islam : Turquie, Soudan, Sénégal, Mauritanie, dans le Maghreb et en Inde où ils sont particulièrement puissants. Bien d’autres ordres (Tijaniya, Shadriliya Khalwatiya), toutes de fondations originales ou de tendance schismatique,  devaient naître dans le monde musulman au cours des générations suivantes.
                                                                                                                                   
          Ces ordres confrériques partagent une organisation substantiellement identique. L’ordre est présidé, de génération en génération, par le successeur du Cheikh, du fondateur, dont la suprématie est reconnue par les chefs, fidèles, de différents centres.
 
« Partout, les confréries s’efforcent de gagner prestige, espace politique et en étendant leur influence dans plusieurs régions et pays. L’effluve sacré (baraka) des saints disparus et de leurs successeurs vivants opèrent, partout, des miracles pour gagner la confiance des populations. Mais, les arabophones illettrés sont entraînées, dans la même évolution, vers un Islam populaire ancré, dans les codes culturels antérieurs aux ’’conversions’’ à l’Islam. C’est cet Islam maraboutique, populaire dominé par le culte des Saints et la diffusion constante d’un sacré mêlé au merveilleux, que l’Europe du XIXe siècle découvre dans tous les pays conquis. On connaît les interprétations et les malentendus qui en résultèrent, et qui continuent de nourrir, plus que jamais l’imaginaire occidental sur l’Islam »(Mohammed Arkoun).
 
Il serait intéressant de s’arrêter au paradoxe suivant : comment une doctrine qui préconise le renoncement au monde a pu, d’une si déterminante manière, être au cœur de la lutte pour la justice sociale, l’indépendance, la démocratie. A travers l’expérience de l’Algérie, de la Turquie, du Pakistan, de la Tanzanie, l’Egypte et le Maroc et  enfin, du Sénégal, pays de confrérie, nous pourrons comprendre ce paradoxe.
 
Notre hypothèse est que le Soufisme, en partant de réponses données par l’Islam aux questions de l’époque, ouvre cette religion à une nouvelle forme de modernité. Il convient de montrer, à travers l’exemple de l’engagement des soufis, comment ils ont pu impulser,  aujourd’hui, l’émergence d’une nouvelle pratique religieuse plongeant ses racines dans la Sharia, mais résolument moderne et dont l’orientation et l’activisme éducatif et politique traduisent une réelle volonté réformiste. Et que le Roi Mohammed VI résume d’une si belle manière dans un discours mémorable adressé à la Réunion générale de la tarîqa Tijaniya en juin 2007 à Fez, ville sacrée par excellence, qui incarne, au fil des âges, un rayonnement de la culture islamique et qui a constitué de tout temps, un lieu de convergence pour les oulémas et un point de ralliement pour les maîtres et les adeptes du soufisme. Sa Majesté souligne: « En Afrique comme dans le reste du monde islamique il ne fait pas de doute que la tarîqa Tijanya a un rôle pédagogique à jouer pour promouvoir l’éducation morale et spirituelle purifier les âmes, par l’élimination des facteurs de division et de fission  et prêcher en retour les vertus de la concorde et de l’unité. C’est précisément la mission qu’il revient au soufisme contemporain, toute confrérie et sensibilité confondues, de remplir, en assignant à l’ensemble de ses démarches spirituelles l’objectif ultime de guérir les âmes de leurs maux et de plier leurs pulsions. C’est pourquoi la promotion de l’éducation morale et spirituelle mérite amplement de recevoir Notre soutien et Notre sollicitude, surtout en ces temps où le besoin pour nous, de guérir les maux du corps et d’en préserver la santé, n’est pas plus prioritaire que celui d’assurer la thérapie de nos âmes et d’en cultiver le racinement. Telle est l’assise solide sur laquelle doit s’édifier toute société qui se veut cohérente, solidaire et saine. C’est là également le socle sur lequel doit reposer l’édifice de la Ummah islamique comme Dieu aurait voulu qu’elle soit à savoir une nation médiane à laquelle il a consenti de révéler le message de l’Islam en tant que religion pérenne et source de guidance éternelle. » Et sa Majesté de s’engager fermement : « En notre qualité d’Amir Ul-Mouminine, de protecteur de la communauté des fidèles, et de défenseur de la foi, nous veillons à préserver cette sollicitude dont nous vous entourons, et à lui conférer toutes ses lettres de noblesse. Nous entendons ainsi consolider les liens spirituels et fraternels qui unissent vos pays et leurs sages dirigeants, au Maroc, notre visée première et dernière étant de protéger l’islam sunnite tolérant, exempt de toute velléité d’hérésie, et net de tout extrémisme aveugle et de toute politisation tendancieuse.»
Merveilleux témoignages de la participation du Maghreb à la redynamisation du Soufisme !
 
Par contagion, les autres dirigeants des autres pays, surtout la diaspora, devraient être animés de la détermination du Souverain du Maroc pour consolider les bases des Tarîqas en Europe surtout la Tijanya. C’est dans cet objectif que nous allons présenter ses fondements philosophiques et le rôle de ses pères fondateurs dans sa défense et son illustration.
 
 

Par Serigne Mansour Sy Djamil
Mercredi 28 Mars 2018






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1.Posté par Al Amin le 28/03/2018 18:13 | Alerter
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Voilà des contributions utiles. Il en faut encore beaucoup pour créer une masse critique et faire prévaloir la qualité sur la quantité (V65, S8). Jeureuejeuf pour le partage.

2.Posté par Mamadou Samba le 28/03/2018 22:21 | Alerter
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Machaallahou. Ce texte me confirme dans l'idée que je me suis faite que M. Sy doit "sortir" du monde politique et s'occuper de la sauvegarde et de la diffusion des écrits de l'école de Tivaouane. Je le verrais bien conduire un grand projet de bibliothèque/médiathèque rattachée à la Grande Mosquée.
Mes chaleureux salamalecs et ziars.

3.Posté par Moustapha Niang le 29/03/2018 01:05 (depuis mobile) | Alerter
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Très beau cours sur le soufisme pour ceux qui doutent encore de son fondement islamique et de ses origines tirées de la lumière coranique et ce depuis la nuit des temps. Dieureudieuf Serigne Mansour pour cette demarche très scientifique.

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